top of page

Annexes de l'article "De la notion de piémont", n°24 des CHV

Les sites industriels textiles en Cévennes du XVIIe au XXe siècle

Annexes à l'article "De la notion de piémont (2/2)", Florian Cadoret, Cahiers du Haut-Vidourle, n°24, p. 4-36.

(Tirés d’un comptage de l’Association des Chercheurs et Généalogistes des Cévennes, site : http://site.acgc.free.fr/).

 

Méthodologie, sources et limites

 

      L’ACGC a mis en ligne un tableau recensant les sites industriels textiles en Cévennes(1) à partir de l’inventaire générale du patrimoine(2). Or ce tableau comprend les villes des Cévennes dans un sens très large puisque sont recensés aussi bien Saint-Chély-d’Apcher que Nîmes. Dans l’article sur le piémont cévenol(3) dont la deuxième partie est paru dans le numéro 24 des Cahiers du Haut-Vidourle, il s’agissait de donner une sorte de définition du piémont. Or, dans ce but, déterminer la répartition spatiale des sites industriels nous est apparu comme pertinent.

   Il est possible de distinguer les villes et villages en fonction de leur position géographique : montagne, piémont, plaine. Ensuite de calculer combien de sites industriels cumule chacun de ces espaces, si certains territoires s’occupent plus de soie, de coton ou de laine, s’il existe une spécialisation des territoires (dans la filature, le moulinage, la fabrique…) ? L’hypothèse ici présentée et approfondie dans l’article dont ce billet forme une annexe, est que le piémont cévenol (comme probablement tous les piémonts) constitue un territoire particulier entre montagne et plaine, avec des spécificités, des « avantages » et des « inconvénients ». Ce territoire pourrait alors avoir des spécialisations différentes de la montagne ou de la plaine. Il s’agissait donc d’établir la répartition géographique et territoriale de l’activité textile.

   Les bâtiments qui restent ou les ruines de sites industriels représentent-ils un tant soit peu la pratique industrielle des temps passés ? Le patrimoine recensé couvre les anciens bâtiments industriels, les ruines mais aussi des bâtiments reconvertis, ainsi il est probable que si tous les sites industriels ayant existé ne sont pas recensés, la plupart ou tout au moins une part significative est prise en compte. De plus, sauf à prouver qu’une zone géographique a subi plus de destruction, de reconversion (non découverte par les architectes du patrimoine et des monuments historiques) et d’ « invisibilisation » de son patrimoine industriel, il peut être cohérent de penser que toutes les régions ici présentées ont subi peu ou prou la même proportion de sites ayant totalement disparu ou apparaissant dans le recensement(4). Sur cet inventaire exhaustif, dans la mesure du possible, l’ACGC a fait une sélection des sites des Cévennes(5). 152 communes font parties du territoire du Parc National des Cévennes. Or l’ACGC a recherché les sites industriels ; les communes qui ne sont pas présentes n’ont probablement de traces de structures industrielles. Notons tout de même l’absence de Ganges.

   Enfin, nous savons que les Cévennes n’ont jamais connu de définition tant administrative que géographique. La conception de ce territoire reste sujette à caution(6). Ce recensement prend en tout cas en compte la plupart des villes des Cévennes et de son pourtour. C’est d’ailleurs la répartition de ce territoire qui permet d’établir ces statistiques. Ainsi, cette étude statistique offre tout au moins des tendances, des indications si ce n’est une analyse exhaustive. Dans ce tableau, on compte 411 sites industriels présents dans 113 villes et villages des Cévennes dans un sens très large. 

   Pour chaque site, le type ou les types d’industrie(7) ont été précisés. Nous avons compté pour chaque site les différentes utilisations réparties en 11 catégories :

  1. La fabrique ou l’usine de bonneterie,

  2. la carderie,

  3. la chapellerie (pour le feutre),

  4. les filatures,

  5. les maisons,

  6. les moulins dont nous n’avons retenu que les moulins à foulon,

  7. le moulinage,

  8. la passementerie,

  9. les teintureries,

  10. le tissage et

  11. les usines textiles et de confection.

 

    Ensuite à chaque ville ou village, une spécialisation a été donnée. Si un village comprend uniquement des sites consacrés à la laine, il est spécialisé dans la laine, de même pour la soie ou le coton. Cependant, lorsqu’un village possède différentes spécialités soit l’une est extrêmement majoritaire et elle a été privilégiée soit la répartition entre spécialités a l’air équilibré et la spécialité laine/soie est apposée. Il n’y a qu’un cas de spécialisation dans le coton et aucun de coton/soie ou de laine/soie. Il serait intéressant de recenser les sites industriels textiles de Ganges qui pourrait être spécialisé dans le coton.

   Pour la répartition des territoires entre montagne, plaine et piémont, la définition de chaque zone est complexe. L’altitude a servi de première indication. Nous avons pris l’altitude moyenne, l’altitude minimale et l’altitude maximale. En effet, certains bourgs ont une moyenne de 500 mètre d’altitude mais leurs minimales et maximales les placent soit dans le piémont soit dans la montagne. Inversement les altitudes minimale et maximale sont avantageusement complétées par l’altitude moyenne. D’une manière générale, les villes et villages de la montagne cévenole recensés ont une altitude moyenne minimale de 420 mètres, altitude moyenne maximale de 1180 mètres, une altitude minimale de 150 mètres et maximale de 1700. Les bourgs du piémont : altitude moyenne minimale : 175 m., altitude moyenne maximale : 570 m., minimale : 100 m. et maximale : 960 m. Ceux de la plaine : altitude moyenne minimale : 39 m., altitude moyenne maximale : 230 m., altitude minimale : 1 m., maximale : 385 m. Remarquons que certaines de ces altitudes se recoupent ainsi la séparation entre montagne-piémont-plaine est mouvante. Cependant les bourgs du piémont se situent entre 200 et 500 mètres d’altitude, les cités de la montagne ne descendent jamais à une altitude minimale inférieure à 200 mètres et la plaine ne monte jamais à une altitude maximale supérieure à 200 mètres(8).

   L’altitude n’est pas le seul élément de distinction de ces zones géographiques. Il faut aussi situer ces bourgs dans l’espace. Une ville comme Le Vigan se situe au cœur des montagnes cependant elle se trouve sur la route qui se prolonge vers Ganges, Saint-Hippolyte-du-Fort et Sauve, route qui relie avant tout les villes du piémont. Nous avons choisi de la placer dans le piémont par contre les villages qui le surplombent sont placés dans la montagne. Le Vigan est en effet un bourg excentré du piémont de par son rôle administratif, industriel, sa configuration foncière… Certaines cités ont une altitude peu élevée mais se trouvent dans un « creux » entre les montagnes (tandis que Le Vigan se situe dans le prolongement du piémont), celles-ci ont été placées dans la montagne. Elle s’étale en escalier jusqu’au piémont puis la plaine. Les limites sont forcément floues. La limite entre plaine et piémont est de la même façon assez délicate. Il est possible cependant de suivre la carte des altitudes de geoportail(9). Le piémont se découpe nettement comme une bordure des Cévennes sur laquelle des villes, bourgs et villages s’étalent tandis que la plaine est bien marquée, si l’on excepte les plateaux à l’est du piémont. Ces éléments constituent une définition complétée par des choix. Alès semble marqué une limite du piémont, au sud et à l’ouest de cette ville, se trouvent plutôt la plaine tandis que le nord-ouest et plus encore le nord et l’ouest forment le piémont puis la montagne.

​

Quelques conclusions :

​

   Les villes recensées par l’ACGC (114) se répartissent relativement équitablement entre la montagne (34 %), le piémont (35 %)  et la plaine (31 %). Les sites industriels textiles sont au nombre de 411, la montagne en détient 31,1 %, le piémont : 47,7 % et la plaine 21,2 % (sachant que tous les sites de la plaine ne sont pas recensés). Ce pourcentage indique que le piémont est largement favorisé pour les industries textiles. La montagne détient plutôt des sites industriels dispersés, ce qui explique peut-être le difficile passage à une concentration industrielle à laquelle les Cévennes ne parviendront jamais. Les sites recensés comme « autres » (carderie, chapellerie, passementerie…) sont plutôt des sites proto-industriels anciens tandis que les fabriques de bonneterie ou les usines textiles désignent plutôt des sites des XIXe et XXe siècles. Ces sites sont essentiellement présents en montagne (58,3 %) et moitié moins dans la plaine. La filature qui couvre l’époque moderne et contemporaine (XVIIe-XIXe siècle), elle est très présente en piémont (52,4 %), un peu moins en montagne (29,4 %) et assez peu dans la plaine (18,2 %). La filature qui est ici essentiellement de soie, se répartit entre le piémont et la montagne avec un avantage important pour le premier. Le moulinage est bien plus présent en montagne (49,5 %) particulièrement en Ardèche, moins en piémont (30,9 %) et en plaine (20 %). Il existe une répartition spatiale entre la filature (en piémont cévenol) et le moulinage (en montagne ardéchoise).

   Tandis que la bonneterie, qui se développe plutôt à partir du XVIIIe siècle et prend rapidement un caractère industriel, se concentre fortement en piémont (65,6 %), la plaine en possède moins (22 %) et la montagne très peu (12,5 %). Il est vrai que la bonneterie réclame de réelles usines pour lesquelles l’espace nécessaire est rare en. Enfin les usines textiles et de confection sont concentrées en plaine (73,3 %), le piémont n’en connait que 3 (et 20 %) et la montagne une (6,7 %). La difficulté pour la montagne de développer des industries concentrées est ici soulignée alors que le piémont se spécialise dans la filature et la bonneterie. La répartition spatiale de la filière textile s’organise autour des villes et en particulier Nîmes qui concentrent la transformation (confection) et les usines.

   La spécialisation en termes de matière première est délicate car de nombreuses structures ont sans doute changé de destination sans que le patrimoine général ne parvienne à l’indiquer. Ainsi l’essentiel des sites s’occupe de soie, la laine est très peu présente alors que nous savons qu’elle a joué un rôle central au XVIIe siècle dans les Cévennes. Cependant les statistiques indiquent que la laine se trouve principalement en montagne bien que la soie y reste majoritaire. Le coton est quasiment absent et le seul site est en montagne. Cet unique cas ne permet pourtant pas de tirer des conclusions. Les villes de Ganges et de Sauve ont connu des industries importantes de coton. Les seules conclusions qui peuvent être tirées sont que la laine occupe plus la montagne et la soie est omniprésente dans tous ces territoires. La laine est de plus davantage présente dans les écarts, les mas et les hameaux que les bourgs.

   Il existe donc une répartition spatiale de l’industrie textile entre les Cévennes, leur piémont et la plaine où la laine et la soie n’occupent pas les mêmes espaces. L’industrie se développe singulièrement dans les terres basses.

​

Florian Cadoret

​

​

Annexes du numéro 24 : Cartes et tableaux :

Carte du relief des Cévennes, de son piémont et de sa plaine. Les pointillés noirs indiquent les limites hypothétiques (d’ouest en est) entre la montagne et le piémont et entre le piémont et la plaine. Les pointillés rouges indiquent les zones discutables entre la montagne et la plaine, les pointillés violets entre le piémont et la plaine (carte geoportail, les limites sont de l’auteur)(10).

 

L’hypothèse d’un territoire : La carte générale du piémont cévenol (Carte dressée avec geoportail, les pointillés sont tracés par l’auteur. Le nord est en haut de la carte. Le piémont est dans la zone centrale de la carte, les pointillés forment les limites avec la montagne à l’ouest et la plaine à l’est).

Les villes et villages des Cévennes recensés sur le site de l'ACGC, leurs sites industriels textiles et leurs spécialités (le comptage a été effectué par l'auteur).

Les altitudes des villes et villages des Cévennes et leurs classements dans les zones de montagne, de piémont ou de plaine.

NB : La ville de Ganges n'a pas été prise en compte mais nous indiquons tout de même sa présence.

Statistiques établies par l'auteur à partir des tableaux précédents.

Notes de bas de page :

1 - http://site.acgc.free.fr/fichiers/Industrie_textile_dans_les_Cevennes.pdf.

2- http://www.inventaire.culture.gouv.fr/.

3 - CADORET Florian, « Le piémont cévenol ou la difficile définition d’un territoire (1/2) », Cahiers du Haut-Vidourle, n°24, avril 2016, p. 5-23. CADORET F., « Le piémont cévenol ou la difficile définition d’un territoire (2/2) : La question religieuse, la répartition des terres, l’élevage, la proto-industrie et l’évolution économique du piémont cévenol (XVIe-XXe siècles) », Cahiers du Haut-Vidourle, n°25, p. 4-36.

4 - Le patrimoine général a fait l’objet d’une méthodologie déterminée et scientifique. Cette méthodologie est fixée par décret. Voir l’onglet « ressources méthodologiques » du site de l’inventaire général. http://www.culture.gouv.fr/culture/dp/inventaire/extranetIGPC/normes/livretPMC/livretPMC_2007.pdf.

5 - Le Parc National des Cévennes « se compose de 152 communes, dont 75 sont situées dans le Gard, 67 en Lozère et 10 en Ardèche ». http://www.insee.fr/fr/insee_regions/languedoc/themes/synthese/syn0906/syn0906.pdf, p. 2.

6 - CABANEL Patrick, Histoire des Cévennes, PUF, « Que sais-je ? », 3e éd. Refondue [1998], p. 3-5. C’est d’ailleurs en partie l’objet de l’article pour lequel cette méthodologie est dressée.

7 - Certaines structures ont connu plusieurs utilisations. Par exemple, un moulin à foulon a pu devenir une filature puis une usine de bonneterie. Ainsi, le comptage recense le nombre de sites mais chaque peut avoir eu, à des périodes différentes des activités différentes. Le compte des catégories ne correspond donc pas au nombre de sites.

8 - Sauf Barjac qui est dans une situation ambiguë du fait d’être à une extrémité du piémont, à l’orée de la plaine mais sur un plateau.

9 - https://www.geoportail.gouv.fr/carte.

10 - Remarquons que deux zones au moins posent problèmes. Tout d’abord les vallées qui pénètrent la montagne, jusqu’à quel point font-elles partie de la montagne ou du piémont ? Ainsi, Saint-Jean-du-Gard, Le Vigan, Sumène, Monoblet, Lasalle ou Cros sont difficiles à classer. Nous avons choisi de les placer dans le piémont. Cros a une altitude maximale particulièrement élevée pour un bourg du piémont néanmoins le territoire de la commune comprend deux montagnes (La Fage et le Cayrel) excentrées par rapport au village lui-même. D’autre part, les plateaux à l’est de la région posent aussi question, ils forment le prolongement du piémont mais se situent au milieu de la plaine.

bottom of page